Jeudredi 09/03 - Manigances Parlementaires, Particules dans l'Atmosphère.
Et un mystère de l'univers.
Bienvenue dans cette nouvelle édition de Jeudredi : un condensé des actualités de la semaine et une sélection de notre contenu favori, avec des analyses et des liens pour vous aider à aller plus loin !
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Bonne lecture.
Cette semaine dans Jeudredi :
🏛 Les manigances parlementaires
🌍 Des particules dans l’atmosphère
Temps de lecture : 8 minutes
Ce dont tout le monde parle
🗞 Revue de presse
🌊 Excellente nouvelle. Après vingt ans de discussions et quatre de négociations actives, les 193 États membres de l'ONU ont finalisé le premier traité international de protection de la haute mer (= eaux internationales, compliqués à réguler). Cet accord - qui n’a pas encore été rendu public - devrait notamment légiférer sur la création des aires marines protégées, les études d'impact humain, ou encore le partage des bénéfices liés aux ressources génétiques marines. Un cap historique, puisque les océans sont indispensables à la santé de la planète (et donc des hommes), et qu’ils avaient été placés en état d'urgence internationale l’été dernier. Si les ONG se réjouissent, on se réjouit.
🌍 Un peu moins bonne nouvelle. L’été dernier, le Parlement européen a voté la fin de la production des voitures à moteur thermique pour 2035. Une loi stricte qui promettait de faire suer les constructeurs, mais qui était vue comme une victoire pour le climat. Le vote devait être validé par le Conseil des Ministres Européen cette semaine (“une simple formalité” d’après Politico), mais coup de théâtre : plusieurs pays (Allemagne et Italie en tête) ont refusé de confirmer cette décision. Ils demandent des clarifications sur les moteurs thermiques à carburants synthétiques (hydrogène). Et cette incertitude fait grincer les dents des industriels. La telenovela dont on vous parle toutes les semaines.
🇫🇷 Inflation. Au cas où vous ne feriez pas vos courses, les prix alimentaires augmentent un peu (+14.5% en fév-23 vs. fév-22). Face à cela, le gouvernement a trouvé un accord avec la grande distribution pour mettre en place un trimestre anti-inflation : trois mois avec des produits du quotidien (choisis par chaque distributeur) à des prix “préférentiels”. Intéressant car, la semaine dernière, Reuters dévoilait que la principale cause de l’inflation en Europe résidait dans l’augmentation opportuniste des prix par les entreprises (et pas dans la flambée des prix de leurs matières premières). Vous reprendrez bien un petit peu de dessert ?
💉 Régime. Quel est le lien entre Kim Kardashian et Elon Musk ? Le Wegovy, un médicament auto-injectable (la semaglutide) qui permettrait une perte de poids en un temps record : 12% du poids en un peu plus d’un an. Ce coupe-faim s’arrache aux États-Unis, à tel point que certains craignent qu’il vienne à manquer pour son but originel : soigner le diabète. Ce traitement pourrait aider à réduire l’obésité (qui coûterait $4 trillions par an d’ici 2035) mais comporte de nombreux effets indésirables et nécessiterait d’être pris à vie. Et ça, forcément, ça coûte cher ($1300/mois).
🦸♀️ Le rapport de la semaine : 300 ans. C'est le temps qu'il faudrait attendre pour atteindre l'égalité entre les genres au rythme de changement actuel, d'après l'ONU. Un chiffre qui masque la réalité quotidienne de femme qui disposent de moins de droits, qui sont moins représentées dans des positions hiérarchiques, et qui sont moins présentes dans les institutions politiques. Au boulot.
🏛 Les manigances parlementaires

Ce mardi avait lieu la 6ème journée de mobilisation (grève) contre la réforme des retraites. Et tandis que la rue continue de gronder, l’Assemblée Nationale et le Sénat (où la loi est actuellement examinée) sont le théâtre de passes d’armes qui font couler beaucoup d’encre.
C’est fascinant, et on vous raconte.
Le rôle de l’opposition
Quel est le rôle de l’opposition politique en France ? Cette question semble anodine mais est pourtant loin de l’être. Pour comprendre pourquoi, un petit voyage dans le temps s’impose.
La Vème République a été construite avec une idée en tête : le rassemblement du peuple autour d’un pouvoir présidentiel fort pour mettre fin aux divisions parlementaires qui ont paralysé la IVème République. Ainsi, notre Constitution a été rédigée dans le but implicite que le Président bénéficierait toujours d’une majorité à l’Assemblée nationale, dont le rôle serait de confirmer la politique du gouvernement (on parle de l’Assemblée comme d’une “chambre d’enregistrement des volontés gouvernementales”).
Mais les trois cohabitations survenues entre 1986, 1993, et 1997 ont remis en question cette idée. On a donc cherché à réduire la probabilité d’un tel scénario (que l’on considère comme sclérosant) en synchronisant élections législatives et élections présidentielles : le vote législatif de juin devrait logiquement confirmer l’élection présidentielle de mars.
L’opposition sous la Vème République s’est donc majoritairement construite dans une logique de blocage plutôt que dans une logique de participation : son rôle est davantage d’empêcher le vote des lois plutôt que de participer à leur rédaction.
La réforme des retraites
Et si l’on vous parle de cela c’est parce que cette logique, on la retrouve au cœur de la réforme des retraites.
Depuis le début des discussions, la coalition présidentielle accuse l’opposition de blocage parlementaire : en inondant le texte d’amendements, cette dernière ferait tout pour ralentir le débat et retarder le vote. En faisant cela, l’opposition aurait un double objectif :
Soutenir la démonstration populaire. Le vote du Parlement ou du Sénat donne de la légitimité au texte, ce qui peut saper le moral des manifestants. Contrer cela aurait été, selon la majorité, la stratégie de l’opposition la semaine dernière à l’Assemblée, lorsqu’ils ont empêché le vote de l’article 7 (report de l’âge légal à 64 ans).
Forcer la majorité à passer en force. Pour accélérer le vote, la majorité dispose d’outils parlementaires destinés à contourner des amendements (exemple : article 38 au Sénat). En poussant la majorité à faire usage de ces outils, l’opposition peut ensuite dénoncer un passage en force, qui vient entacher la crédibilité de la majorité.
Sous cette perspective, l’opposition cherche principalement à fragiliser la popularité de la majorité et à alimenter la démonstration populaire, pour au mieux faire retirer le texte de loi, et au pire se donner des munitions pour les prochaines réformes et élections.
💡 Un amendement est une proposition de modification du texte de loi. Il peut porter sur un article entier comme sur un mot ou une ponctuation. Chaque amendement considéré comme recevable doit être soumis au vote, et peut être soumis à discussion. 20,000 ont été déposés à l’Assemblée pour le texte des retraites.
L’opposition, grande méchante ?
Là où cela devient intéressant, c’est qu’en réalité l’opposition justifie cette attitude en accusant la majorité de vouloir bloquer les discussions, et ce en utilisant le 49.1, qui limite la durée d'examen du texte à 50 jours.
Ainsi, sous cette perspective, la majorité cherche à limiter le temps de débat pour faire passer en force une réforme qui est hautement impopulaire. Face au risque de manifestations qui se répéteraient sur des mois entiers et qui forceraient le gouvernement à reculer, ce “49.3 déguisé” serait la seule solution trouvée pour faire adopter cette réforme.
À cela, le gouvernement rétorque que c’est parce que le parti de la France Insoumise avait promis de bloquer le texte en déposant 75.000 amendements qu’ils ont décidé d’accélérer les discussions.
💡 Pourquoi on vous parle de ça
Parce qu’on trouve fascinant d’observer ces stratégies parlementaires et de comprendre cette dynamique entre opposition et majorité.
Une dynamique qui nous fait nous poser la question suivante : que penser d’un système qui réduit la démocratie (l’expression de la volonté du peuple) au blocage de l’opposition et au passage en force de la majorité ?
Nous n’avons pas la réponse mais, pour nous, une chose est sûre : chaque passage en force du gouvernement et chaque blocage de l’opposition divisent la société et polarisent le peuple.
Et, rien que pour ça, on pense ça serait pas mal d’en parler.
📚 Pour aller plus loin
Retraites : après le chaos à l’Assemblée, le débat de fond au Sénat
L’opposition, le mauvais rôle de la politique française (abonnement Le Monde)
Si vous avez le temps on vous recommande vivement de regarder une séance parlementaire, c’est assez marrant.
🖼 Culture
Les World Nature Photography Awards, vous connaissez ?
Tous les ans, cette compétition décerne ses prix aux plus belles images de faune et de flore de l’année.
Vous les trouverez ici 👉 World Nature Photography Awards.
Notre préférée ? Impossible de choisir : elles sont toutes sublimes.
Ce dont personne ne parle
🌍 Des particules dans l’atmosphère
C’est passé inaperçu mais, la semaine dernière, 60 scientifiques ont signé une lettre ouverte pour appeler la communauté internationale à lancer des recherches dans un domaine qui fait beaucoup débat : la géoingénierie.
On fait le point.
La géoingénierie, qu’est-ce que c’est ?
La cause principale du réchauffement climatique est l’émission de gaz carbonés (carbone, méthane) dans l’atmosphère. Une fois bloqués dans l’atmosphère, ces gaz émettent de la chaleur lorsqu’ils sont frappés par les rayons du soleil.
Pour empêcher cela, la recherche “traditionnelle” s’évertue à développer des technologies qui réduisent les émissions de gaz dans l’atmosphère. La géoingénierie, de son côté, vise à modifier certaines des propriétés mêmes de l’environnement afin que, les gaz que l’on envoie dans l’atmosphère y émettent moins de chaleur.
Ces technologies pourraient en théorie réduire la température sur Terre, et ce pour seulement quelques dizaines de milliards de dollars par an (ce qui représente une somme modique comparativement aux investissements bas carbone).
L'ingénierie climatique regroupe donc toutes les technologies destinées à modifier intentionnellement le climat. On peut citer par exemple :
L’émission de particules dans l’atmosphère pour bloquer les rayons du soleil.
L’injection d’éléments dans les nuages pour les rendre plus blancs, ce qui leur ferait réfléchir davantage de rayons du soleil.
Et ça fait débat.
Pourquoi un débat ?
Il y a trois raisons principales pour lesquelles ce sujet reste très sensible.
La première est que l’on craint des effets négatifs incontrôlables. Le climat est un système très complexe, et une modification en un point de la planète risque d’affecter le climat en un autre endroit, sans que l’on puisse nécessairement le prévoir, ni le contrôler. Par exemple, une réduction de la sécheresse africaine augmenterait celle du climat amazonien.
La deuxième, qui découle de la première, est qu’il serait très compliqué de mettre en place une gouvernance internationale. Qui décide des actions en Afrique, qui est responsable des effets négatifs en Amazonie ?
Enfin, beaucoup voient la géoingénierie comme un “droit de continuer de polluer”. Tous les scientifiques y voient un danger car la priorité reste de réduire massivement les émissions. Ceci parce que (i) les émissions de carbone ont beaucoup d’autres effets dramatiques sur la biodiversité (ce qui impacte l’homme), et (ii) ne pas les diminuer nous exposerait à des risques cataclysmiques de réchauffement ultrarapide si la géoingénierie cessait de fonctionner/d’être viable (on appelle ça le “termination effect”).
Que demandent les scientifiques signataires ?
Les scientifiques demandent que cette technologie soit étudiée de plus près, car “le niveau actuel des connaissances sur [la géoingénierie] n'est pas suffisant pour détecter, attribuer ou prévoir leurs conséquences sur les risques climatiques”.
Ils ne défendent pas l’utilisation de ces technologies mais plutôt leur étude, car elles risquent d’être la seule chance que l’on a de rester sous la barre des 1.5° de réchauffement.
La lettre est dirigée par James Hansen, un célèbre ex-chercheur de la NASA auquel on attribue la prise de conscience précoce du changement climatique dans les années 1980.
💡 Pourquoi on vous partage ça
Parce que c’est un sujet extrêmement sensible qui risque de prendre place dans le débat public et politique. À l’heure où beaucoup appellent à plus de sobriété pour éviter une catastrophe climatique, il est probable que certains répondent en plaidant pour la géoingénierie. Et compte tenu des impacts globaux de ces technologies, avoir un accord international en la matière sera crucial.
Il est d’ailleurs intéressant de voir que ce débat déchire déjà la communauté scientifique : l’année dernière, plus de 430 chercheurs avaient signé une lettre ouverte contre la géoingénierie en tant qu’option de politique climatique. Pour eux, les risques pour la planète et l’humanité sont tels que même la recherche n’est pas justifiée.
Alors, chercher à comprendre ces phénomènes est-il un aveu de défaite ou une réponse pragmatique face au constat que nous sommes loin de nos objectifs ?
📚 Pour aller plus loin :
Se coucher pensif
Le podcast de la semaine
Chose à laquelle on avait jamais vraiment pensé mais qui nous laisse pantois : d’où vient l’eau sur Terre, sachant que la planète était bouillante à sa formation ?
Ce court podcast revient sur ce mystère (trouvé dans cet article : 3 unexplainable mysteries of life on Earth).
Comme on est curieux on a cherché, et voici une théorie en la matière :
De quoi vous faire parler 🌍
On vous parle souvent d’environnement et du débat entre techno-optimisme et techno-pessimiste.
Du coup, on est curieux ⤵️
C’est tout pour cette semaine. Si cela vous a plu, liker et partagez :
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Merci pour votre analyse du rôle de l'opposition dans le débat sur les retraites. J'avais zappé cette volonté marquée de bloquer le débat afin d'encourager les manifs... et donc forcer le gouvernement à passer en force afin de pouvoir le lui reprocher.
Comme vous le dites, l'ambition de la Vè était de mettre fin au parlementarisme et force est de constater que c'est impossible. On retrouve d'ailleurs la même lutte polarisée dans les entreprises entre les syndicats ouvriers (quand ils sont présents) et la direction. Et là aussi (comme à l'Assemblée), le consensus semble impossible.
À moins que cela soit une posture de façade et que les sujets avancent en sous-marin : les chiens aboient, la caravane passe.
Merci beaucoup pour vos travaux d'information !
pouvez-vous enquêter sur les projets financiers d'Elon Musk et ses infos de placements mirobolants et l'inquiétude des banques traditionnelles !