Bienvenue dans cette nouvelle édition de Jeudredi : un condensé des actualités de la semaine et une sélection de notre contenu favori, avec des analyses et des liens pour vous aider à aller plus loin !
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Bonne lecture.
Cette semaine dans Jeudredi :
Guerre froide et choc des civilisations
L’Allemagne à l’assaut d’EDF ?
Un débat sur le fin-du-monde-isme
Temps de lecture : 8 minutes
Ce dont tout le monde parle
🗞 Revue de presse
🇫🇷 Historique. À partir de 2025, les entreprises de plus de 11 salariés seront tenues de mettre en place un dispositif de “partage de la valeur” dans leurs entreprises : prime défiscalisée, intéressement, ou participation aux résultats. Les critiques (peu nombreuses) craignent que ce dispositif se substitue à une augmentation des salaires. Une bonne nouvelle, car un moyen efficace pour réduire les inégalités entre salariés et actionnaires est de faire en sorte que les salariés soient intéressés aux résultats positifs des entreprises.
🇫🇷 Historique. 32 jours sans véritable pluie et des nappes phréatiques au plus bas. La France n’a pas connu une telle sécheresse hivernale depuis 1959. Des mesures “soft” de restrictions sont à prévoir dès le mois de mars “pour éviter de se retrouver dans une situation catastrophique au mois de juillet”. Christophe Béchu (ministre de la transition écologique), appelait hier à "sortir du déni", à construire une stratégie "d'atténuation" pour se "préparer au pire" (+ 4° en France). Top.
🇬🇧 Historique. 6 mois, 61 entreprises, 2,900 salariés, et un résultat sans appel : la semaine de 4 jours est une réussite pour les entreprises et les salariés anglais. Meilleure productivité, stress plus bas, chiffre d’affaires inchangé : 56 des 64 entreprises ont décidé d'adopter ce rythme. Le rapport complet est ici. Ça pourrait presque nous faire oublier la retraite à 64 ans.
🇪🇸 Historique ? L’Espagne a adopté une loi permettant le changement de genre (aux yeux de la loi) dès 16 ans. Fournir des rapports médicaux attestant d’une dysphorie de genre et les preuves d’un traitement hormonal suivi pendant deux ans ne sera plus nécessaire pour effectuer la démarche (la loi “dépathologise” les personnes transgenres). L’opposition critique une loi qui survient au moment où des pays comme la Suède, la Finlande, et les Royaumes-Unis, font machine arrière sur leurs politiques à ce sujet.
🌐 Historique. Ce vendredi marquera le premier anniversaire de la guerre en Ukraine. Et en début de semaine, Vladimir Poutine et Joe Biden se sont exprimés par discours interposés dans un air de Guerre Froide. Poutine accuse l’Occident de vouloir “en finir” avec la Russie et la culture Russe, Biden a déclaré que l'OTAN était "plus forte que jamais”, et tous les deux partagent leurs déterminations à continuer la guerre. La Chine, alliée timide de Moscou, s’inquiète de voir la guerre durer et escalader, et la France cherche à apaiser les tensions en déclarant ne pas vouloir "écraser la Russie”. La grosse annonce de Poutine portait sur la sortie du traité de non-prolifération New Start, mais sa véritable priorité était peut-être ailleurs : assurer sa conservation du pouvoir en légitimant la guerre auprès du peuple Russe. Une guerre qui risquerait d’ailleurs de s’étendre bientôt à la Moldavie (à l’ouest de l’Ukraine).
☝️ À noter : Biden aurait déclaré à Zelinsky en début de semaine "la Russie va définitivement perdre, Poutine et son entourage iront devant un tribunal". Pas sûr que ça apaise grand-chose.
⚡️ L’Allemagne à l’assaut d’EDF ?
Vendredi dernier, EDF annonçait ses résultats pour l’année 2022 : €17.9 milliards de pertes, et une dette qui atteint €64.5 milliards.
Les pires résultats de son existence, et dans le top-3 des pertes les plus importantes pour une entreprise française au 21e siècle.
Et bien que ces résultats soient en partie dus à un manque de chance — l’arrêt de 26 centrales sur les 56 du parc (notamment suite à la détection de microfissures sur des tuyaux auxiliaires) représenterait €22 milliards de manques à gagner — un nombre croissant d’observateurs pointent du doigt une autre responsable : l’Allemagne.
Ça peut passer pour une petite bombe, donc on vous explique.
L’Energiewende : la politique énergétique Allemande
Pour comprendre les reproches qui sont faits à l’Allemagne, il faut comprendre sa politique énergétique. Celle-ci s’articule, depuis les années 80/90, autour des énergies renouvelables, tout en promouvant, depuis les années 2000, un abandon du nucléaire. Elle est le fruit de visions idéologiques sur la transition énergétique portées par le parti des Vert et d’un traumatisme causé par le nucléaire pendant la seconde guerre mondiale. Un traumatisme renforcé par les accidents de Chernobyl (1986) et de Fukishima (2011).
Ce qu’il faut noter c’est que cette politique ne peut exister sans une forte interconnectivité avec les États voisins de l’Allemagne, car les énergies renouvelables sont par nature intermittentes. Pour satisfaire la demande en électricité lorsque le vent ne souffle pas et qu’il ne fait pas beau, l’Allemagne doit pouvoir acheter et vendre de l’électricité à ses voisins (et dans le cas contraire, écouler le surplus de production). Des voisins qui se retrouvent à réguler l’instabilité de la production d’électricité allemande.
La libéralisation du marché de l’électricité et l’éclatement d’EDF
Alors que l’Allemagne doit promouvoir un modèle qui lui permet d’acheter de l’électricité à ses voisins, un premier problème se pose : comment assurer un prix d’achat faible qui ne pénalise pas les industriels allemands par rapport à leurs compétiteurs Européens ?
Face à ce problème, une solution : libéraliser le marché européen de l’électricité en le rendant compétitif, de sorte que règne un prix de gros harmonisé et tiré vers le bas par la compétition. Pour mettre à l’œuvre cette solution, l’Allemagne va pousser, à travers la commission Européenne, pour que les acteurs monopolistiques des gros pays producteurs (comme EDF) soient forcés de vendre à bas coût une partie de leur production à des distributeurs. Cela se traduit par la loi NOME et le dispositif Arenh, adopté en France en 2010 suite aux pressions de Bruxelles.
Ce dispositif est aujourd’hui fortement critiqué pour pousser à l’éclatement d’EDF. Il aurait coûté €28 milliards à l’énergéticien en 2022.
Un lobbying intense pour affaiblir la filière nucléaire
En parallèle de cette libéralisation du marché, l’Allemagne est accusée de tout faire pour déstabiliser le nucléaire aux profits de son modèle renouvelables/gaz, et ce à travers un lobbying intense.
Dans la société civile, elle est accusée de fomenter un sentiment antinucléaire (notamment par le biais d’ONG comme GreenPeece). Ce sentiment est aujourd’hui considéré comme en partie responsable du désintéressement des responsables politiques Français à la filière nucléaire, et à la perte de compétences dans le secteur qui coûte cher à EDF aujourd’hui.
À Bruxelles, L’Allemagne continue de pousser pour faire exclure le nucléaire des bénéficiaires des aides Européenne au développement d’énergies vertes, ce qui lui permet de rester le premier bénéficiaire des financements de l’UE.
La stratégie unilatérale Allemande centrée du gaz est d’ailleurs très critiquée, car réduisant la souveraineté énergétique Européenne (en la rendant à l’époque dépendante de la Russie et maintenant des États-Unis), tirant les prix de l’énergie vers le haut (comme nous l’expliquions il y a quelques semaines), et limitant les investissements dans des énergies plus décarbonés (comme le nucléaire ou l’éolien).
Et cette critique de la politique Allemande, c’est Henri Proglio, ex-patron d’EDF, qui l’a peut-être le mieux résumée, lors d’une audition à l’Assemblée Nationale en décembre dernier :
L’obsession des Allemands depuis 30 ans, c’est la désintégration d’EDF.
Comment voulez-vous que ce pays […] accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ?
La seule faute aux Allemands ?
“EDF, c’est Le Crime de l’Orient-Express. Tout le monde est coupable”, déclarait un ancien de Bercy dans Le Monde. Car les Allemands sont loin d’être les seuls visés pour la débâcle d’EDF. Certains pointent du doigt les dirigeants politiques Français, qui auraient programmé le déclin de filière nucléaire pour attirer les voix des Verts et faire plaisir à Bruxelles, incapables de tracer les contours d'une politique énergétique cohérente. D’autres dénoncent l’arrogance d’EDF, incapable de se remettre en question face à ses échecs industriels (chute de la disponibilité du parc, retards de l’EPR de Flamanville et des centrales d’Hinkley Point, etc.) et à ses problèmes culturels.
Tout le monde se pointe du doigt mais personne ne se reconnaît coupable. Et bien souvent, lorsque c’est le cas, c’est que tout le monde est coupable.
💡 Pourquoi on vous partage ça
Parce que nous pensons qu’il est essentiel de prendre conscience des enjeux de guerre économique et de défense de nos intérêts car à la fin, ce sont les citoyens qui pâtissent des déboires industriels de nos entreprises et de la perte de souveraineté du pays.
Une prise de conscience qui est importante car elle permet d’exiger plus de la part de nos dirigeants : plus de vision sur le temps long, plus de défense de nos intérêts, plus de remise en question.
Et cette affaire est intéressante car elle soulève justement beaucoup de questions: sur l’intégration Européenne, sur la libération des marchés, sur le comportement des États-membres, sur l’arrogance Française, sur le rôle du nucléaire et des renouvelables dans la transition, sur l’électoralisme…
De quoi alimenter vos discussions ce soir.
📚 Pour aller plus loin
J’attaque ! Comment l’Allemagne tente d’affaiblir durablement la France sur la question de l’énergie. Résumé du document dans Contrepoints.
EDF : Saccagé délibérément par l'Europe ? Thinkerview avec Henri Proglio.
👾 Tech
Comment fonctionne ChatGPT ?
Pour ceux qui souhaiteraient comprendre ce qui se cache sous le capot, voici un texte (en anglais) qui explique extrêmement bien ce qu’est ChatGPT et comment le modèle fonctionne.
Pour résumer : le modèle détermine quels mots ont la probabilité la plus élevée de faire suite à l’ensemble de mot déjà formé. C’est pourquoi il est incapable de fournir des sources : il ne sait pas d’où vient sa réponse.
On vous prévient, c’est un petit peu long.
Ce dont personne ne parle
Nous trouvons ce texte très intéressant pour le débat qu’il invite à avoir (voir les commentaires). Dedans, Noah Smith explique que :
1 / Non, le monde n’est pas sur le point de s’écrouler à cause d’une dérive capitalistique.
Les inégalités de revenus diminuent, la pauvreté et la mortalité infantile reculent, l’alphabétisation augmente… La condition humaine tend à s’améliorer à travers le monde, notamment grâce à des dépenses sociales en augmentations.
Le changement climatique est un vrai risque, mais les progrès récents sont très encourageants et il est maintenant probable que nous réussissions à rester sous la barre des 2° de réchauffement.
2 / Le “doomerism” (fin-du-monde-isme) transforme tous les défis auxquels le monde fait face en risque existentiel, ce qui empêche de se concentrer sur les vraies priorités (aux États-Unis : la santé, l’éducation, les infrastructures), et ce qui a un impact non négligeable sur la santé mentale.
💡 Pourquoi on vous partage ça
Parce que la semaine dernière nous vous parlions du débat entre techno-optimisme et doomerism, et de notre avis selon lequel il fallait privilégier un optimisme éclairé à un optimisme aveugle.
Et ce texte vient alimenter ce débat de manière remarquable car ici (contrairement au texte de la semaine dernière) l’auteur défend un techno-optimisme à l’aide de données chiffrées et d’analyses factuelles.
Malheureusement, nous pensons Noah Smith fait toujours preuve d’un certain aveuglement, et il faut lire les commentaires (notamment ceux de Geoffrey Greene) pour comprendre pourquoi. Green explique que l’optimisme est certes nécessaire au changement, et les progrès sont encourageants, mais que nous restons sur une trajectoire de réchauffement “catastrophique”. Et cela n’a rien de réjouissant.
Noah Smith rétorque à cela qu’il ne croit pas en ce “doomerism” justement parce qu’il pense que nous allons altérer cette trajectoire en accélérant la transition. Et là, il ne se base plus sur une analyse chiffrée pour expliquer comment se réaliserait cette accélération, mais sur sa foi dans le système. Et c’est ce que nous lui reprocherions.
Les commentaires qui suivent ce texte sont donc intéressants car il montre d’où le techno-optimisme puise sa source, et quelles critiques lui sont faites.
Un bon débat que l’on vous recommande fortement.
Se coucher plus cultivé


Avez-vous déjà vu, une peinture de Victor Hugo ?
…
Maintenant, oui.
De quoi vous faire parler 👶
Selon une étude publiée la semaine dernière, près de 40% des Americains seraient prêts à sélectionner l’embryon de leurs enfants en fonction de leurs aptitudes intellectuelles potentielles.
Du coup on est curieux.
Le résultat de la poll de la semaine dernière : 70% des hommes n'accepteraient pas de prendre une pilule contraceptive.
Probablement ceux pour qui la question ne se pose pas 😏.
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